Au cours de sa longue histoire, l’abbaye cistercienne de l’Escaladieu, bien après sa vente en tant que bien national suite à la Révolution française, fut, durant quelques années, transformée en hôtel-restaurant. De cette nouvelle et brève vocation, il reste encore aujourd’hui de nombreuses modifications architecturales, quelques photographies et surtout des récits émouvants. En souvenir de ce passé quelque peu oublié, quatorze artistes ont été conviés à dresser leur propre table.
Du 4 juin au 4 décembre 2022
Artistes invités : Hugo Bel, Mireille Blanc, Corine Borgnet, Charlotte Bricault, Martin Bruneau, Nadou Fredj, Sébastien Gouju, Akiko Hoshina, Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize, Aurélie Mathigot, Marlène Mocquet, Barbara Schroeder et Stéphane Soulié.
Le Banquet de l’Escaladieu invite à une relecture contemporaine de ce moment de partage qu’est le repas dont les changements de modes et de codes ont suivi les évolutions de l’Histoire des civilisations et des arts. Aujourd’hui, à la sortie d’une crise sanitaire où la convivialité est devenue danger, ce sujet a pris une saveur particulière pour les artistes comme pour chacun de nous.
Le banquet est un rassemblement pour célébrer un moment important. Mais cette ode au partage prend des significations très différentes selon les symboles et la dramatisation choisis par les artistes : d’évocations du dernier repas du Christ à de simples représentations de fêtes de famille. Nous plongeant parfois dans nos propres souvenirs, ces moments de convivialité semblent déjà appartenir à un monde en train de s’effacer, celui des services de vaisselle et de l’argenterie hérités de nos grands-mères, des objets « kitsch » et désuets juste bons à encombrer les vide-greniers.
Le Banquet de l’Escaladieu s’inscrit dans la continuité de la tradition des peintures de Vanités, du memento mori, qui renvoient au caractère éphémère de la vie. En composant des formes à partir de restes de repas, en moulant un corps humain dans le sucre, en mettant en scène le processus de décomposition des aliments, les artistes proposent des œuvres dans lesquelles la mort n’est jamais une fin définitive mais bien au contraire le commencement d’une vie nouvelle grâce au geste artistique.
L’enfance occupe une place majeure dans les questionnements des artistes autour du repas et de la nourriture, que ce soit en nous rappelant la nostalgie des goûters d’anniversaire, en jouant avec les restes de repas dans l’assiette pour en faire émerger des figures, ou encore en métamorphosant la réalité en paysage mental féérique ou en univers peuplé de monstres prêts à nous dévorer. L’imaginaire est une échappatoire à ces interminables repas où la nourriture peut devenir un véritable champ de bataille.
Au cœur de ce festin aux multiples facettes, la présence du jardin, en intérieur ou en extérieur, est le fil d’Ariane de ce parcours artistique. Il illustre le lien entre la table et la nature nourricière, mais nous rappelle aussi le caractère éphémère de ces retrouvailles. Les motifs végétaux des arts de la table s’extraient des objets pour coloniser le contenu de l’assiette, les murs, allant jusqu’à remplacer la table elle-même en devenant arbre.
Dans ce banquet peu ordinaire, l’imaginaire et l’émerveillement dévoilent la magie qui se cache derrière les apprêts du repas.
Commissaire d’exposition : Aude Senmartin